Steeve prisant l'éclectisme et les montées de speed, on l'a expédié ce coup-ci voir Brigitte. Un live pas comme les autres, ça pour sûr…
Brigitte fontaine est folle.
C'est ce que l'on m'a dit lorsque j'ai prospéré pour trouver quelqu'un pour m'accompagner à l'Usine (Istres). Exactement le lieu rêvé pour aller voir Brigitte. Choisir entre faire carrière et aller à l'usine.
La sono qui diffusait à tout rompre Roots de Sepultura vient de se taire. On l'attend stoïque puis crions un peu. Un index pointe du rideau faisant un signe négatif. Un ohhhhhhhhhhhhhhh général de désapprobation résonne dans notre comité restreint. Elle arrive alors et empoigne le micro, arborant fièrement sur sa tête un chapeau des sans-culottes.
"Interdit d'entrer ! Salut les histrions, les globules, les zoulous, les météques. Nos enfants ont été élevés par la police dans un but éducatif ". Le son est puissant, trituré, et je découvre surpris la source d'inspiration d'Alain Bashung. La guitare de Yan Péchin que tous les rats de concert connaissent enfle sous les pouffements de rire de Brigitte. Elle le regarde comme une sale gamine de soixante dix ans. Areski est au gros tambour, qu'il martèle. Le concert sera sans partage. "Je suis toujours au fond des cafés comme au fond d'un bois". Cachée derrière les amplis, sa voix continue de chanter "Humain! ne fait rien, passe ton chemin, batard, pendant que moi j'en grille une dans les chiots. Je fume du bio!".Yan Péchin ne lâche rien, anime l'orchestre, lui qui refuse d'apparaitre sous les feux de la rampe cathodique. "Je suis malheureuseeeeeeeeeee parce que je suis conne!" Les musiciens derrière elle, à l'écoute des textes, rigolent en chœurs, et on les devine fan de la bête. "Je sais pas passer l'aspirateur parce que je suis conne". Elle s'est éclipsée et revient avec un casque d'aviateur sur la tête et des menottes aux poignets. Mais il fonctionne à quoi, ces vieux? La guitare infernale reprend au son d'une sirène d'ambulance. "Arrête de dire que je suis sexy et laisse tomber le crack". "Je suis vieille, je vais bientôt crever et je vous encule!".
Brigitte nous quitte après plus d'une heure de chant, de plainte, de diction, d'une prose qui réconcilierait n'importe qui avec une certaine poésie. La sienne. Le public autour de moi est celui que le gang actuellement au pouvoir tente de dissimuler sous le tapis.
Rideau!