Après l'excellente chronique réalisée au sujet de leur excellent EP, il était impérieux d'interroger notre Porco Rosso préféré. (Presque) Fameux l'a fait!
Porco Rosso, qui es-tu?
Porco Rosso est un groupe fondé en 2002 par moi-même, Yann Giraud (chant, guitares) et Stéphane Perez (basse). Stéphane et moi jouions de la musique ensemble depuis le milieu des années 90. On a évolué ensemble musicalement. Au départ, on écoutait du metal, en particulier du doom (Paradise Lost, Anathema, Tiamat, My Dying Bride, etc.), puis nous avons pris un virage pop au début des années 2000. Au début, nous faisions des chansons en anglais, très influencées par R.E.M., Radiohead et Elliott Smith mais ce n'était pas très original. Quand j'ai décidé de me mettre à écrire en français, ça a tout changé. J'ai réalisé qu'il y avait un boulevard ouvert devant nous, car j'avais l'impression que la chanson française était divisée entre des voix atroces du genre Lara Fabian and Co ou des gens qui déchantent plus qu'ils ne chantent, comme Gainsbourg ou Biolay. Peut-on être aussi mélodique qu'un groupe anglais et le faire avec des mots en français ? C'est ce que nous essayons de faire. Après, je ne dis pas que nous y arrivons à chaque fois ! Mais c'est l'esprit ... Au début, c'était un groupe de potes, presque tous originaires du Val de Marne. Certains sont partis, mais Stéphane est toujours resté. D'autres nous ont rejoint. Aujourd'hui, nous avons JB Fleury à la batterie et Xavier Guéant à la guitare, mais ça peut encore évoluer. D'ailleurs, toute personne qui quitte Porco Rosso reste un Porco toute sa vie.
Porco Rosso, pourquoi ce nom? As-tu conscience qu'en l'adoptant, tu égares tous tes fans dans les méandres du net? T'en mords-tu les sabots?
Le choix du nom est très simple. Notre premier guitariste est un ancien camarade d'université qui ne m'appréciait pas beaucoup lors de nos premières rencontres et m'avait donné ce surnom pour se foutre de ma gueule. Et oui, j'ai des lunettes et une petite surcharge pondérale. Or, rien n'est plus drôle que de se moquer du physique des genns, c'est bien connu. Quand il a rejoint le groupe, il m'a semblé logique d'adopter ce nom, façon d'exorciser notre vieille inimitié. C'est vrai qu'après, ça nous rend moins identifiable sur le net, mais bon, ceux qui veulent bien nous trouver finissent bien par y arriver. Un nom n'est qu'un nom. Le dessin animé ne nous colle pas trop à la peau. Si un jour, les ayant droits du film décident de se retourner contre nous, par contre, on avisera.
Porco Rosso, la liste de tes influences est vraiment impressionnante. Mais si tu ne devais ressortir que trois noms pour expliquer l'intrinsèque moelle de ta musique, quels seraient-ils? Et pourquoi eux, p'tit porc?
Hum, c'est difficile. En premier lieu, je citerais Jean-Louis Murat. Je n'aime pas beaucoup ses derniers disques, mais quand nous avons commencé, il avait sorti coup sur coup quelques chefs d'oeuvre portés sur les guitares (Le Moudjik et sa Femme, Lilith et Parfum d'Acacia au Jardin). Ca nous a vraiment poussé à écrire de bons textes, qui ne soient ni trop terre-à-terre, ni trop abscons. La façon dont il pose sa voix est vraiment un modèle pour moi et contrairement à ce que les gens pensent, ce n'est pas juste ce type un peu passéiste porté sur l'amour chevaleresque, tout ça. C'est avant tout un rocker, l'un des plus grands que nous ayons en France. En second lieu, je dirais R.E.M. parce que Michael Stipe est mon chanteur préféré et que Peter Buck est mon guitariste préféré. je crois aussi que notre bassiste est très influencé par Mike Mills, son côté cool et rentre-dedans (no nonsense, comme disent les Américains) et des lignes mélodiques très claires. Les premiers disques du groupe sont géniaux, c'est de la pop tellement lumineuse. Et pourtant, ce n'est pas vraiment ce R.E.M. là qui nous a influencés au départ mais celui qui passait à la radio quand nous avions 15-16 ans, celui de Monster et New Adventures in Hi-Fi. C'est peut-être moins recommandable que Murmur ou Lifes Rich Pageant, mais c'est comme ça ... Enfin, je citerais Sparklehorse, le groupe de Mark Linkous, qui s'est suicidé l'hiver dernier. Sa mort nous a complètement bouleversés, comme celle de Vic Chenutt, aussi. Du coup, nous commençons nos concerts par une reprise d'Apple Bed, un morceau qui nous faisait beaucoup pleurer au moment même où nous avons fondé le groupe. It's a Wonderful Life, son disque de 2001, est certainement MON disque de l'île déserte, je ne saurais m'en passer.
Porco Rosso, quelles sont tes ambitions? Le fait d'avoir été repérés par les Inrocks (tu as mis une de leurs phrases en exergue sur ta bio) t'a-t-il ouvert des portes de la porcherie dorée?
Et bien ... non ! Déjà, nous ne sommes pas un groupe professionnel. Nous avons tous des jobs à côté, et même des jobs assez prenants. Il y a dans Porco Rosso deux enseignants-chercheurs, un graphiste, un juriste. Nous avons compté dans nos rangs un authentique requin de la finance. Et il était très rock'n'roll. On avait ausi un tatoueur, percé et peinturluré de la tête aux pieds. On tient à garder cet amateurisme qui de toute façon, sied bien au marché de la musique tel qu'il se porte en ce moment. L'époque où on pouvait vivre ans rien faire pendant cinq ans aux frais d'une maison de disques à toucher des droits Sacem est révolue, je pense. Notre seule ambition est de continuer à faire la musique qui nous passionne et d'avoir la possibilité de sortir des disques. Je tiens à signaler qu'en réalité, ce ne sont pas tant les Inrocks qui nous ont "repérés", mais CQFD, leur site de découverte de "talents", mais cela est à relativiser. Il doit y avoir quelqu'un chez eux qui nous aime bien. Du coup, notre chanson Judee Sill a été mentionnée dans la version papier du canard, mais c'était dans un tout petit encadré. Pour passer à la vitesse supérieure, il nous faudrait une programmation sur France Inter, mais je sais que là-bas, on n'a pas trop aimé nos dernières productions.
Porco Rosso, quel accueil reçois-tu? Quelles sont les principales qualités qui sont adressées au groupe? A contrario, quels sont les défauts qui lui sont reprochés?
Ah, on y vient justement ! Et bien, si je me fie à des échos reçus par mon ami Benjamin (attaché de presse et fondateur du label Almost Musique) qui s'est bien mouillé et est allé faire écouter notre musique à Radio France, il semblerait que les programmateurs soient plus intéressés par l'idée de Porco Rosso que par le résultat. On aime bien le côté mélodique, le chant en français, mais après, on nous trouve un côté un peu trop maniéré et précieux. Je comprends parfaitement ces critiques, mais je les trouve aussi un peu injustes. Quand tu écoutes des groupes comme The Decemberists ou Shearwater aux États-Unis, c'est aussi très maniéré, avec une ambition littéraire et des mélodies très travaillées. Je ne sais pas si c'est une différence linguistique ou culturelle qui fait ça, mais il me semble que l'on accepte plus facilement cela là-bas. En France, on aime bien les branleurs. Il faut surtout gommer le côté "intello". C'est pour cela que des gens comme Kat Onoma ou Tanger n'ont jamais vraiment percé. Le seul qui soit arrivé à faire cela, c'est Bashung. Bon, là, je n'ai développé que le côté négatif, mais on a aussi de très bons échos. Dernièrement, il y a eu les gens de Noomiz, un site communautaire dont certains membres fondateurs semblent beaucoup aimer notre musique ... et puis, il y a toi aussi ! Nous avons aussi bénéficié de quelques passages sur le réseau des Radio Campus avec des commentaires très flatteurs des DJs. J'aime aussi beaucoup que des gens qui ne devraient pas aimer notre musique s'intéressent à nous. D'un autre côté, nous sommes un peu méconnus auprès du public indie-pop parisien (avec quelques exceptions). Je pense qu'ils nous voient comme trop mainstream, mais je me trompe peut–être. Peut-être qu'ils nous reprochent juste de jouer comme des brêles. Et là, je ne peux rien leur reprocher, car c'est vrai !
Porco Rosso, dans 5 ans, où seras-tu?
Je ne sais pas, mais une chose est sûre, je ferai toujours de la musique et je la ferai toujours à destination d'un public, pas juste dans ma chambre pour me faire plaisir. Si j'arrêtais, j'aurais l'impression de trahir tout ce pour quoi je me bats depuis des années. J'aimerais bien sortir un disque dont on vendrait assez peu d'exemplaires mais que des gens citeraient de temps en temps en interview comme un disque culte. Ca, se serait vraiment classe !
Porco Rosso, (Presque) Fameux te confie un instant sa baguette magique. Tu as tout pouvoir. Qu'en fais-tu, avec ta p'tit queue en tire-bouchon?
La logique en moi me dicte que je devrais demander une grande maison à la campagne où je mettrais un immense studio dans le sous-sol avec du matos de malade pour y faire jouer et enregistrer les amis (et Porco Rosso bien sûr !). Mais il y aussi un mauvais esprit en moi qui préférerait utiliser ce pouvoir immense que tu me confies pour télétransporter Pascal Nègre, Bénabar, Renan Luce, Cali, Zaz et quelques autres nuisibles du show biz en France dans une station désaffectée de l'Arctique où il fait nuit six mois de l'année et où bien sûr, nul ne penserait à les chercher. Quel service ça rendrait à la planète, quand même ...
Porco Rosso, pour finir, dis-nous quelque chose qui te tient particulièrement à cœur.
Il y a en France, et même plus précisément à Paris, une femme envoyée des Dieux qui s'appelle Maud Lübeck et qui écrit les plus belles chansons en français qu'il m'ait été donné d'entendre depuis un bail. Tu peux en entendre quelques unes ici ou là sur le net, bien qu'elle s'obstine à vouloir empêcher la face du monde de découvrir la plupart de ces bijoux. Plus sérieusement, Maud commence à bénéficier d'un petit buzz et de l'attention de quelques personnes influentes dans le monde de la musique, mais pour l'instant, elle n'a pas vraiment de disque à son actif et je suis tellement heureux de faire partie de ses premiers auditeurs et de la compter parmi mes amis que je ne peux m'empêcher de faire sa pub dès que l'occasion se présente. Par ailleurs, je trouve que la musique indépendante se porte merveilleusement bien en ce moment. Il y a énormément d'artistes nouveaux à découvrir et de types assez tarés pour monter des labels pour les produire et les distribuer alors qu'au même moment, le marché de la musique "mainstream", lui, se casse la figure. C'est vraiment excitant car on ne sait pas encore où cela va nous mener.