Quelqu'un a-t-il déjà osé un voyage en province ? Si vous êtes aventurier, vous devez tester. Hors de nos métropoles climatisées se terre en effet un monde épatant.
Je conduisais el coche depuis le début de la matinée. A côté de moi, La Roux, photographe de son état. C'est à cause d'elle si nous avions quitté l'autoroute climatisée pour se farcir ces sales petites routes de campagne. C'est à cause de moi si el coche a décidé de ne plus avancer. En langage commun, on nomme cela panne d'essence. Chez (Presque) Fameux, on préfère évoquer une non avance de frais.
Bref, nous voilà coincé en cambrousse. La Roux prenait des clichés pendant que je cherchais du réseau dans ce pays de bouilleurs de cru. Mince, el pendu n'allait pas apprécier me savoir perdu ici alors que je devrais être en train de lui mailer les réponses de l'interview ainsi que les photos pour lesquelles ils nous avait délégué. Pas de barres sur mon portable. Fichtre, mais où sommes-nous ? St Rome du Tarn, répond La Roux.
J'étais convaincu que des territoires aussi reculés ne disposaient ni de l'eau courante, ni de l'électricité. Il y avait pourtant du bruit lorsque nous nous sommes approchés de la place du village. De la musique. Une sorte de pop-rock. Et c'est là que nous les avons vu. Un groupe se produisait face à une terrasse emplie de gens en train de dîner. Devant eux, debout, la descendance des mêmes dîneurs, sautant et criant.
Le groupe avait une sacrée touche, pour des paysans. Le chanteur était noir, tatoué et supra looké. Il portait le même t-shirt Motorhead que moi, à part que celui-ci ne le boudinait pas, son corps d'athlète justifiant ce fait. Le bassiste était comme tous les bassistes de ma connaissance, à savoir des mortiers à vannes. Il faisait le lien avec la population attablée et se foutait gentiment de la gueule de tout le monde, à commencer par son vocaliste, qui lui rendait bien. Lui arborait des dreads très longues, teintes en blond à leur extrémité. Pas de doute, nous étions dans un pays reculé. Le guitariste avait agrémenté sa guitare d'un autocollant Suicidal Tendencies, sa tête d'une casquette et son torse d'une chemise à carreaux. Droit sorti des années 80 skate Los Angeles. Mine de rien, ça rend un homme sympathique, pareil décalage. Le guitariste ne disait rien et jouait, à l'instar du clavier qui, portant un de ces chapeaux ska redevenu très à la mode, jouait du clavier comme un clavier. Quant au batteur, La Roux me dit qu'il était superbement bâti, mais c'était à peu près le cas de tous ces jeunes gens.
Or considérations de look, cette formation, nommée Skip The Use et venant de Lille d'après le serveur qui tendit nos bières, semblait avoir Bloc Party pour modèle, bien qu'ils aient repris Blur, mythique Song 2, puis Nirvana. Grosso modo, leurs propres titres étaient une bonne synthèse de ces trois influences : Bloc Party pour l'approche dansante et la cymbale claquante, Blur pour la tournure pop, Nirvana pour les grosses guitares. Un son finalement très contemporain et tendance, que STU véhiculait à merveille par l'énergie féroce qu'il impulsait dans ses chansons, l'ensemble avec chanteur charismatique et musiciens souriants. Précisons, car cela ne tombe pas sous le sens, que ce combo est très au point, tant dans les chœurs qu'au niveau de l'humour. Précisons aussi que STU traque le hit, le massif, populaire et addictif, rien de moins.
Bref, nous égarer en France profonde a confirmé plusieurs choses : il y a du courant en dehors de nos métropoles climatisées, la bière coute moins cher et certains groupes valent allégrement le détour. Largement de quoi justifier les reproches incessants dont el pendu nous bombarde depuis...