Bosser dans la musique oblige à tout un tas de compromissions. Oubliez d'emblée l'image mythifiée du journaliste rock qui passe son temps invité aux concerts, entouré de musiciens supra sympas et de filles super ouvertes qui réclament sa substantielle moelle. Peut-être que certains spécimens vivent aujourd'hui encore comme au mitan de la décennie 70, mais dites-vous bien que chez (Presque) Fameux, c'est pas ça. Du côté du building glacé, on a davantage de chance de croiser Loudpipes en interview mail posthume que la chanteuse de The Distillers en chair et en sueur.
Non, chez nous, les compromissions sont autres. Elles tiennent à ce que tel ou tel insistent pour que vous intéressiez à leur sort. Comme si, fichtre, on n'avait que ça à faire. L'ennui est qu'il est difficile de refuser quand la proposition émane de votre supérieur direct.
- Masca quoi?
- Mascarade. Le groupe que mon vieux pote JNEB a monté avec un ancien de Marcel Et Son Orchestre, JB.
- Oh, purée!
- Ils viennent de publier deux nouveaux titres, après un premier maxi, que t'as sans doute pas écouté.
- Faux. En tant que professionnel, je me dois de tout auditionner. Et laisse-moi te préciser que ce 4 titres, sans être fondamentalement ranci, avait quelque chose d'un rien suranné. Hip hop de rockers comme ils disent, mais cette option était déjà bien plus affirmée sur le fondateur Walk this way (1986).
- Tu tiens à ta paie?
Et voilà comment, sur une simple interrogation, el pendu convainc Ndaref de se consacrer au double nouveau titre de Mascarade/JNEB. Un dingo productiviste qui, lors de sa révélation, présentait conjointement un film, un livre et un disque entièrement réalisés par ses soins. Plutôt intéressant, comme projet, et sympa en plus, le gars. Il s'était ensuite embarqué dans une aventure un peu plus rock, envoyant à (P)F ses disques, hélas non soutenus par une campagne publicitaire ou un mécénat avisé, avant que, piqué au vif par Stupeflip, il décide de s'allier avec un ex MESO, en train de splitter, pour augurer l'aventure Mascarade. Le premier 4 titres exposait les ambitions mais ce premier jet manquait de mordant, de haine, de hit et de patine. SSuperSSenSSaSS feat Sylvestre corrige à lui seul une partie des défauts initiaux. Sur une revisitation du riff de Canonball, Sylvestre nous susurre les délices d'une existence sans S. C'est plaisant, tant dans le son que l'expression, fun sans toutefois atteindre le tordant et surtout pas mal mélodique, déplore Ndaref, frustré de ne pas avoir matière à concassage. L'envers du décor est de son côté une ode comme King Ju en inspire des centaines. Pas mal, mais pas marquant, sourit ce charognard de Ndaref.
Lorsqu'il croise un peu plus tard el pendu, occupé à composer depuis son smartphone dernier cri un SMS, sans doute à sa femme qui vient de le larguer, ahahah, Ndaref, qui d'habitude préfère l'éviter, s'avance à sa rencontre en agitant sa feuille, encore gluante d'encre non sèche et ironiquement obscène.
- Mission accomplie! crie-t-il dans l'open space en lui fourrant son travail sous le nez.
el pendu s'en empare, la déchiffre et la déchire.
- N'y vois rien de personnel. Je sais que Mascarade n'est pas encore au point, mais je crois en leur potentiel. Un truc comme ça pourrait leur briser les ailes. Si tu tiens à paie, efface cette horreur ton fichier.
http://mascaradehip-hopderockers.bandcamp.com/album/nouveauté