J'étais l'autre soir à domicile avec Paul Thomson, du groupe Franz Ferdinand. Le bonhomme déblatérait en compulsant ma collection de disques. Le musicien n'était que scepticisme. « Depuis la sortie de notre deuxième disque en 2005 et jusqu'à aujourd'hui, le paysage musical n'a pas énormément changé au niveau des styles. On revient en 2009 mais j'ai l'impression que les choses ont gelé sur place : « Oh ! Tiens regarde, Pete Doherty et Jay Z sont encore là ! » Tant qu'à faire, je préfère écouter ce punk américain qui s'appelle Jay Reatard. Il écrit des chansons pop et idiotes sur du matériel pourri. Le son est crade, c'est parfait... »
Pour un type jouant dans un groupe encensé, Paul est d'une rare clairvoyance. Finalement, si tout a déjà été fait, pourquoi se fader les pseudos nouveautés ? N'est-il pas plus profitable d'écouter ce qui était en adéquation avec son époque plutôt que les misérables rejetons recombinant les formules ? Vaste débat, qui procure néanmoins à l'industrie du disque l'occasion de ressortir pléiade de disques plus ou moins rentabilisés. Voilà comment The Zero Boys publient, plus de 30 ans après leur commercialisation, certaines de leurs primes enregistrements.
The Zero Boys n'ont pas marqué l'histoire du rock, du moins la mienne. Certes, vous trouverez toujours quelques érudits affirmant qu'ils représentent un pan fondateur de l'histoire du punk américain. Ces geek, qui jouissaient auparavant de leurs connaissances en secret, voient désormais entrer dans leur cercle foule de consommateurs, mot honteux, terme honni. Ils l'ont mauvaise depuis que ces trois sessions d'enregistrements, sortis entre 1980 et 1983, sont compilés sur History of. Mais, en dehors de l'exaspération de ces stupides, ce rattrapage va-t-il enfin révéler ce groupe américain au grand public punk ? Si le doute subsiste, gageons que l'affaire s'annonce mal. Loin de déployer des armes aussi massives ou radicales que Hüsker Dü, Minor Threat ou Black Flag, The Zero Boys dispose néanmoins de quelques mines plutôt destructrices. Celles-ci sont contenues dans la période hardcore du groupe, intercalée entre leurs phases rock punk et pop punk. Cette artillerie est certes basique (morceaux brefs, chant hurlé, boucles de guitare rapides - comme les autres), elle reste d'une puissance ravageuse. C'est d'ailleurs le côté cheap et naïf de cette expression de révolte, ce son brut et imparfait, son caractère limite audible, qui contribue à rendre ces œuvres, et par conséquence la leur, fascinantes. Les choses sont données, brutales, immédiates. Plus loin, The Zero Boys remet les goupilles aux grenades. Il sonne comme trop de formations rock-pop-punk qui annoncent déjà Nirvana. Rien de nouveau sous le soleil, et c'est sans doute cette absence de franche personnalité qui a plongé The Zero Boys dans l'oubli, même relatif, où il m'est apparu.