Première édition pour ce festival localisé à Barbentane, au sud d'Avignon. Le MIM n'a pas de politique musicale clairement affirmée, et c'est ça qui est bon. C'est une sorte de mesclun stylistique dont le seul point commun tient à la très haute qualité des formations sélectionnées. Qu'on en juge par ce report lui-même salement sélectif. Désolé pour les autres.
- Jeudi 22 juillet, c'était "electro voodoo party" (oui oui). Parmi les divers challengers ayant grimpé sur scène, retenons SDAP Music Amsterdam. Le duo vient peut-être d'Amsterdam, SDAP signifie rien de moins que La Société Des Adorateurs du Porc. Les deux membres se baladaient d'ailleurs avec de magnifiques t-shirts noirs avec écrit COCHON en lettrage AC/DC. Niveau visuel, ils tuaient, niveau musical, ils déchiraient. Les expatriés proposaient un gros mega foutoir mix où ils croisaient vocaux hip hop et son dansant perturbé et chaotique. Assez terrible et diablement prenant. Le must, enfin un des must de leur set N°1, est le calage de The Pope Of Dope par Party Harders vs The Subs, gros brulot crameur de piste entre Benny Benassi et Stupeflip. Sinon, ils ont clôturé leur set en exhibant une tête de cochon, comme Mayhem. La classe black metal alliée au club défonce, en somme. Des seigneurs.
A noter qu'un des deux membres de SDAP assurera avec brio la sonorisation des divers changements de plateaux du lendemain quand l'autre a passé le reste du festival habillé en religieuse. Des gens respectables.
- Vendredi 23 juillet, c'était la grosse soirée. "Rock Action". OK, Pete Doherty, d'abord annoncé puis retiré de l'affiche puis doute, n'est pas venu. Mais Chokebore ayant confirmé, plus rien n'avait donc d'importance. Avant nos hawaiiens chéris, nous avons écouté "la découverte des Inrocks de l'été", Erevan Tusk. Une mise en bouche très tendre rose raffinée qui manquait quand même de sainte puissance.
Après Narrow Terence est monté sur scène, magnifique au demeurant dans cette ancienne carrière (officiellement nommée Théâtre de verdure de la Rebutte), et tout a pris une tournure différente. Un groupe beau à voir, des chansons inspirées et surtout une cohésion magistrale. Difficile de résumer la musique de Narrow Terence, qui part aussi bien dans le rock poussiéreux que l'envolée grunge en passant par la complainte sèche et le blues déglingué mais complexe. Retenons simplement la polyvalence de tous les acteurs (et vas-y que je troque d'instruments quasiment sur chaque chanson), le contraste entre les deux voix des chanteurs, dont un très drôle guitariste gaucher au timbre rappelant Tom Waits, un bassiste désarmant, et l'ambiance singulière qui soudain s'est mise à planer dans ce lieu majestueux. Intense et émouvant, le show de Narrow Terence a vidé le bar. C'est dire.
Durant le set, le gaucher guitariste s'est fait fort de rappeler que le nom de son groupe avait été inspiré par une des chansons de Chokebore, Narrow. Autant dire que les garçons étaient assez fiers de jouer en ouverture de la légende du Pacifique. Notre reporter, il est bon de le signaler, était pour sa part également tourneboulé. Pensez, un garçon qui a écouté des années durant un de leur plus bel opus, Anything Near Water, ne peut sciemment rester de marbre lorsque ses héros soudain lui font face. L'apparition du groupe lui a causé un choc. Deux géants, un playboy, un chicano. Les deux géants tiennent des guitares. Le bassiste a désormais les cheveux blancs, un t-shirt Nascar et des allures de tueur en série. Le guitariste a perdu (presque) tous ses cheveux et joue en ouvrant la bouche comme un cycliste cherchant l'oxygène en plein col. Le batteur est vêtu d'un maillot du Mexique et refait sa couette entre deux morceaux. Enfin, Troy Von Balthazar, chanteur-guitariste-leader, est aussi beau, petit et élégant que sur les photos. Et dès les premières notes, la magie lancinante de Chokebore a fait son effet, et notre chroniqueur a tout retrouvé ce puissant mélange de tristesse et de colère, cette retenue mêlée à tant d'explosions, ces lignes mélodiques imparables et ce son absolument unique, tout était là, aussi beau et tendu que sur disque. Chokebore a procédé à un sorte de best-of éclairé, bien que jouant trop peu de titres de Anything Near Water, et oubliant sciemment le mémorable Hit me. Les musiciens ne s'adressaient pas un regard, aucun attention pour les autres, aucune image d'un groupe soudé et encore moins fun, et cependant tout était en place, précis, carré et miraculeusement touchant. C'est un miracle, pour parodier le bel Troy Von Balthazar tenant ce soir une magnifique guitare. Rappel, reprises et puis s'en vont. Pendant qu'on boira une bière, on verra le grand bassiste errer dans la carrière en plein air. Impressionnant, à tous les niveaux.
- On retourne sur les lieux des festivités le samedi 24 juillet pour la soirée "Pet Sound". Bien sûr, on a loupé des groupes, bah ouais, mais ceux qu'on a vus nous ont plu. Beaucoup même. On est arrivé alors que les locaux du coin, Pony Taylor, grimpaient sur scène. Look très affirmé pour ces derniers, notamment le claviériste, genre de californien qui semble avoir été congelé en 1967 avec son instrument et décryogénisé quelques minutes à peine avant le live. Pony Taylor est ultra convaincant dans son registre rock pop sixties. Les deux guitares jouent dans les aigus et la basse est massive, très bon dosage entre sons cristallins et rauques. Leurs chansons sont plutôt excellentes et le tout est joué avec un convaincant professionnalisme. Et puis, des gens qui se permettent de reprendre Pink Floyd et The Supremes (You Keep Me Hangin' On) sans passer pour des trompettes ont droit à notre respect. Donc acte.
Enfin, quand on parle de professionnalisme, le curseur monte d'un cran, et pas qu'un seul, avec Phoebe Killdeer & The Short Straws. La demoiselle est une échappée de Nouvelle Vague, fameux groupe de reprises qui plaisait à tant de gens autour de 2000. Non content d'être magnifique, la brune sait enflammer une assistance en usant non seulement d'une voix étonnante, d'un grave sexisme, mais d'une attitude très théâtrale. Le moindre de ses gestes étant d'une indicible grâce, Phoebe Killdeer peut tout se permettre, ce qu'elle fait avec une explosive retenue. Elle s'autorise d'autant plus de choses que le groupe qui l'encadre, The Short Straws, est sidérant. Techniquement parfaits, les trois offrent un contraste on ne peut plus étonnant. Qui regarder entre ce guitariste juvénile, sec et chevelu, ce batteur très élégant ou ce bassiste crameur de clopes aux airs de Clint Eastwood? C'est peut-être lui qui triomphe en ultime finish, sa façon de chanter les refrains cigarette au bec sans jamais paraître déplacé étant sublime. En guise de détail, le chroniqueur se doit d'ajouter que le groupe possède au surplus de sacrées chansons qui, entre garage rock blues et l'ambiance chaude – froide d'une PJ Harvey, sont autant de pépites. Bref, pas facile de succéder à tel show proche du (presque) parfait. D'ailleurs, pour ne pas gâcher notre plaisir, on restera sur cette bonne note et bouderons la suite.
En résumé, ce MIM inaugural donne l'envie d'une suite. On l'espère, même.