Vous êtes plutôt entrecôtes – frites ou coq au vin et morilles? La question est d'importance. Elle indique un certain positionnement face à l'existence. Certes, les goûts changent, et ce qui est valable aujourd'hui ne le sera pas forcément demain. Néanmoins, ce choix marque une attitude quant aux plaisirs de la vie. En somme, l'immédiateté d'un bonheur basique mais garanti ou la satisfaction d'un contentement raffiné, produit par la conjonction d'éléments délicats.
A (Presque) Fameux, on aime la frite grasse et la viande saignante. Voilà pourquoi on préférera toujours une bonne vieille tranche de hardcore à l'incertitude d'un plat mathcore. Jamais sûr de ces choses là. Trop d'ingrédients disparates, une volonté d'esbroufe affirmée, beaucoup d'effets et pas forcement de satisfaction. Néanmoins, nous sommes tombés sur un os. Enfin, une perle.
Avec leur nom trouvé sous LSD, Les Lutins Patates de l'Espace publient un premier album au patronyme aussi foutrement trippé que mémorable. Les grenoblois y parviennent ainsi à séduire les plus hostiles à l'idée de recherche en musique. Essayez, vous verrez. Leur disque est en écoute gratuite intégrale sur leur site. Rien à perdre. Tout à gagner. Comme nous, vous allez prendre une fameuse claque. Comme nous, vous allez laisser choir un temps l'évidence de vos préférences pour ces 8 pistes contrastées. Le duo se balade en effet dans un vaste panorama qu'il explore avec tellement d'inspiration, de candeur et d'esprit cinématographique qu'on dirait rien de moins qu'il invente un style. Bien entendu, certains les rapprocheront immanquablement de leurs célèbres devanciers, évoquant une scène noise/bruitiste/popsuicide depuis longtemps explorée. Vous pouvez évidemment vous enrichir au contact de ces amateurs de coq au vin et morilles, vous le ferez autrement, et bien plus intensément, à l'écoute du disque (ici).
Bref, pourquoi écrire car il suffit d'ouïr? Ajoutons simplement que l'opus est parfait pour travailler. Kill Me When I'm Dead étant une suite de compositions musicalement variées, la plupart du temps enrichies de bruits multiples mais sans paroles, il est possible de l'écouter en boucler sans jamais se lasser. Sautez toutefois la 5, Paulson. Pas parce que cette chanson est mauvaise, mais au contraire parce qu'elle obsédante jusqu'à en être parfaite. Chantée en français (pas bon pour écrire, ça), elle aligne une suite de faits caractérisant un personnage. L'ambiance glaciale, la voix sans état d'âme s'assortissent pour un résultat saisissant, évoquant plus que sûrement France culture, de l'encensé Arnaud Fleurent-Didier.
C'est gratuit et ça s'achète, à prix modeste et avec pochette personnalisable. C'est beau, fort et bon.
