Parfois, des œuvres précédent de peu les événements historiques. Coïncidence ? Plutôt air du temps. Celui du Niger est lourd.
Ainsi, lors de la sortie de Hold-up de pouvoir dans ce pays, la promotion du titre ayant donné son nom à l’album est interrompue. Le pouvoir en question ne juge pas nécessaire de poursuivre la diffusion d’un morceau où un artiste réfugié en France démonte les rouages du fameux hold-up. Nous sommes à la fin de l’année 2009. Le 18 février 2010, les militaires prennent les commandes du pays. Hold-up de pouvoir a-t-il tout déclenché ? Certainement pas, le pays étant depuis longtemps la proie d’une guerre entre gouvernement et rebelles. Disons que l’opus a au moins su rendre compte des événements, à défaut d’y contribuer.
Musicalement, Hold-up de pouvoir est un digne fruit de la scène reggae africaine. On retrouve donc les fondamentaux de cette musique (basse lourde et tempi lents) ainsi que la plupart des éléments locaux caractérisant son origine. Salim Jah Peter se place lui-même dans le sillage des maîtres du genre, dont la nouvelle référence africaine en la matière, Tiken Jah Fakoly. Outre la cohérence de la thématique, qui se décline en une série de maux affligeant le Niger, et plus globalement le continent, le passage entre les styles reggae – dub – slam est particulièrement réussi. La présence de Mariam & Amadou sur un titre (Hommage à Jean Rouch) contribue à crédibiliser l’œuvre.
A l’arrivée, l’émotion soulevé par ce violent affront au pouvoir suivi du renversement de celui-ci assure, tel que nous nous y employons nous-mêmes, une promotion tout à fait efficace à cet album, qui intrinsèquement n’a pas besoin de tel scandale comme piment de vente.
Il est cependant cocasse de constater comment peuvent être appréhendées, selon les latitudes, les œuvres musicales dites polémiques. En France, les appels à l’insurrection, au meurtre, au viol et à la violence en général s’avèrent de très bons arguments publicitaires, surtout lorsqu’ils sont repris comme objets d’indignation par les hommes politiques (c’est scandaleux, insupportable !). Ailleurs, ils conduisent à l’exil, si ce n’est à une forme de censure plus définitive. Mais si toutes ces créations puisent leurs inspirations dans le terreau du vécu, n’étant employées dans le même but, elles n’usent pas des mêmes armes. En somme, Salim Jah Peter n’a qu’à s’exprimer en très correct français pour vitrioler les profiteurs quand d’autres multiplient les bitch, motherfuckers, nique la police, sale pute, pour profiter du vitriol.